Monsieur le Préfet
Monsieur le Sénateur-Maire
Monsieur le Gouverneur militaire de la ville de LYON
Mesdames et Messieurs les Représentants des Autorités civiles et religieuses
Mesdames et Messieurs les Représentants des Associations
Mesdames et Messieurs, Chers Amis,

Nous sommes réunis en ce lieu symbolique pour commémorer le 67ème anniversaire de la libération des camps de Haute Silésie. Ces camps dont les noms résonnent comme autant de sonneries de glas, dans la tête des rescapés.
Auschwitz, Belzec, Chelmno, Maidanek, Sobibor, Treblinka.
Le nom d’Auschwitz s’est imposé au Monde comme le symbole du pire massacre qu’ait connu l’Humanité.
Le 18 octobre 2002, les Ministres européens de l’éducation, réunis au Conseil de l’Europe, décidèrent d’établir dans les 48 pays signataires de la Convention européenne, une « journée de l’Holocauste ».
Aussi, tous les ans, à la même époque, j’essaye de vous évoquer rapidement ma vie  concentrationnaire, de vous mettre en garde contre la résurgence de tels crimes.
Souvenez-vous avec moi, j’avais 13 ans, l’âge de l’insouciance, lorsque les nazis ont envahi mon village. Je n’avais que 13 ans lorsque j’ai vu ma famille arrêtée, mes amis frappés, mes voisins sauvagement agressés. Et pendant les cinq années qui suivirent, ce ne furent que massacres, exécutions sommaires, humiliations. Superbe adolescence que la mienne qui vit l’extermination de toute ma famille et qui ne me laisse en souvenir que le goût amer de la mort.
Un écrivain français, juif d’origine polonaise, Joseph Bialot, disait dans l’un de ses ouvrages:
« Auschwitz, c’est une chose impossible, mais qui a eu lieu, c’est une invraisemblable vérité ».Invraisemblable, la vision d’horreur de ces jeunes soldats soviétiques qui découvrirent le 25 janvier 1945, un camp déserté par ses gardiens et où erraient des Êtres hagards, décharnés, vêtus de loques, dans l’immensité de Birkenau. Invraisemblable, les dizaines de fosses communes, autant de charniers, comblés de chaux vive et recouverts à la hâte de terre afin de les dissimuler.
Invraisemblable, la complexité des bâtiments disséminés sur les 172 hectares de Birkenau, ce qui en faisait le plus vaste des camps nazis affectés à l’extermination massive et systématique des Juifs.
Chacun des bâtiments était dédié à une opération particulière: sélection, épouillage, désinfection, lavage des vêtements à recycler, stockage, laboratoires d’odieuses expériences médicales, chambres à gaz, crématoires.
Si invraisemblable, qu’aucun d’entre nous, les survivants, n’a pu parler, raconter, dire l’indicible.
Personne ne pourrait croire ce que nous avions à dire. Nous avions refermé une parenthèse.
Mon ami, Henri Bulawko, qui vient de nous quitter, avait une formule que je fais mienne pour qualifier notre impossibilité de parler: « c’était un coma de la mémoire ».Si depuis quelques années, je ne me tais plus, c’est pour que vous sachiez.
Un jour, aucun des Acteurs de cette tragédie, bourreau ou victime, ne survivra, et j’ai peur que pour les générations suivantes ces faits terribles ne seront qu’invraisemblables.
Pendant des années, ce gigantesque massacre des Juifs par les nazis a été occulté, les Autorités polonaises de l’époque faisaient facilement l’impasse sur la spécificité juive d’Auschwitz. Il fallait déjudaïser Auschwitz pour en faire une tragédie polonaise alors qu’au moins 90% des personnes qui y furent assassinées étaient juives.
Je me dois de dire, pour être objectif, qu’il y a un léger mieux aujourd’hui et que je n’ai plus à intervenir aussi souvent auprès des guides d’Auschwitz pour rétablir une vérité qu’ils avaient tendance à maquiller.
La vérité, elle vient me réveiller chaque nuit, lorsque je revois les colonnes de malheureux, nus et transis de froid, pénétrer dans les chambres à gaz, je revois les enfants s’accrocher à leurs mères qui referment les bras sur eux dans un réflexe protecteur. Ces visions me reviennent chaque nuit, on n’est jamais libéré de l’enfer quand on y a séjourné.
Malheureusement, le matin venu, la réalité est tout aussi préoccupante, je vois chaque jour un nouvel antisémitisme qui avance à grands pas, il n’y a pas une semaine où ce que l’on appelle pudiquement un fait divers à connotation antisémite, n’est révélé. Le conflit Israélo-palestinien est un prétexte au regain de ce fléau, l’antisémitisme devient sous son avatar antisionisme, une position politiquement correcte. D’après Pierre André Taguief, l’islamisation de l’antisionisme via le Hamas, le Hezbollah et leurs relais en Europe, rend possible, voire à nouveau envisageable, la liquidation physique de Juifs.
Aujourd’hui, ces ennemis de l’Humanité ne prennent même plus la peine de se cacher, ils revendiquent dans des prises de positions relayées par les Médias la haine de l’autre.
Et quand, comme en Libye le mois dernier un exilé juif, cherche à revenir dans son pays après la révolution qui a renversé Kadhafi, il est accueilli par des milliers de manifestants hurlant des paroles de haine.

Rappelons-nous de la situation de l’Europe avant la dernière guerre, une crise économique sans précédent avait frappé l’Allemagne et le bouc émissaire fut vite trouvé. Prenons garde que la terrible crise économique que nous traversons n’amène les Peuples à chercher un nouveau bouc émissaire et combien il est facile de désigner le Juif (les manifestations de New-York en sont un exemple).


Il est de bon ton de s’indigner, aussi à mon tour je vous demande de vous indigner énergiquement contre la désinformation rampante et je vous remercie pour votre présence aujourd’hui. Contre vents et marées, l’Amicale d’Auschwitz du département du Rhône que

j’ai l’honneur de présider, continuera son combat contre l’oubli.
Merci pour votre attention

Benjamin Orenstein