En ce dernier dimanche de Janvier, le 28, l’Amicale a commémoré le 79 ème anniversaire de la Libération des camps de concentration nazi sur la Place Bellecour à Lyon.

L’assistance comme à son habitude fut nombreuse pour se souvenir et commémorer.

Voici le discours de notre président, Jean Claude NERSON:

 » 79 années se sont déjà écoulées depuis la libération des camps d’Auschwitz-Birkenau et de Haute-Silésie.79 années où le monde a découvert l’univers concentrationnaire et le sort cauchemardesque que les Nazis avaient réservé à ceux qu’ils considéraient comme des sous hommes: les Juifs.79 années depuis que quelques soldats soviétiques découvrirent, par hasard, des morts vivants abandonnés dans la neige et un froid glacial. Ces pauvres hères avaient survécus à toutes les horreurs, aux massacres des leurs, à l’anéantissement de leur civilisation, et pourtant ils étaient encore là, accusateurs, obligeant les témoins de leur présence à raconter ce qu’ils avaient vu. Ces témoins, quatre jeunes cavaliers de l’Armée rouge, avant-garde égarée d’une formidable coalition alliée, étaient timides, gênés, incrédules devant ces 7000 survivants, malades et décharnés. Des cadavres avaient été dissimulés à la hâte avant le départ des tortionnaires et l’on pouvait apercevoir, dans des fosses communes laissées à ciel ouvert, les corps de 200 femmes juives, fusillées la veille du départ de la Marche de la Mort.

Le complexe d’Auschwitz-Birkenau était le plus grand ensemble concentrationnaire mis en place par les Nazis, il s’étendait sur 40 Km2, chaque jour des milliers de personnes étaient massacrées pour la seule raison de leur naissance. L’arrivée dans le camp était la première marche vers une mort certaine, les détenus, battus, dépouillés de leurs vêtements et de leur identité, réduits à n’être qu’un troupeau soumis au bon vouloir d’êtres sanguinaires poussés par une idéologie qui ne laissait aucune place à l’Humanité. Cette découverte, qui mettait mal à l’aise ces jeunes soviétiques, resta longtemps cachée, les stratèges de Moscou enfermèrent les preuves photographiques ou cinématographiques dans les tiroirs secrets du Kremlin. Cela se fit sur ordre formel de Staline, lui-même foncièrement antisémite, le fait que Hitler anéantisse les Juifs, ne devait pas beaucoup le déranger. Ce n’est que quelques mois plus tard que les soviétiques vont ouvrir leurs archives pour dénoncer la barbarie nazie responsable de l’assassinat de centaines de milliers d’anti -fascistes, sans préciser que 90% des victimes l’étaient parce que juives. C’était la première falsification de l’Histoire, la première tentative de créer une mémoire sélective, quelque part une mémoire officielle.

Elie Wiesel écrivait « se taire est interdit, parler est impossible, je sais que la mémoire est vulnérable, elle s’émiette. Alors comment faire pour tout dire où ne dire que juste ce qu’il faut ». Ces interrogations d’Elie Wiesel me taraudent depuis ces quelques années où j’ai été élu à la présidence de l’Amicale d’Auschwitz-Birkenau. Doit –on toujours commémorer et ne pas voir que la situation actuelle est tout aussi préoccupante pour les Juifs, qu’elle l’était à la veille de la seconde guerre mondiale? Doit-on toujours se servir des traumatismes du passé pour prôner un «plus jamais ça» illusoire? Non, ces exemples n’ont servi à rien, à nouveau le pire est arrivé, et pourtant après que les Américains, contrairement au positionnement soviétique, montrèrent à la face du monde la réalité de l’horreur, une compassion extrême s’empara du Monde civilisé. Il fallait oublier rapidement ces visions et sur cet amas de cadavres, reconstruire un monde meilleur. Les grandes puissances qu’étaient les Etats-Unis et l’Empire soviétique se partagèrent les dépouilles des vaincus, chacune, dans sa sphère d’influence, créa son pré carré, la dictature d’une gérontocratie dans le groupe communiste et une vision plus libérale dans le giron américain. C’était la guerre froide, comme l’on désigna cette période, où les deux grands protagonistes se surveillaient pied à pied, dans un environnement de surarmement. Un seul fait semblait rapprocher les deux camps, une empathie vis-à-vis du martyrologue des Juifs d’Europe. Les mémoriaux de la Shoah s’érigeaient un peu partout tant en Europe qu’aux Etats-Unis, au Canada ou en Australie. Des musées consacrés aux Juifs et au terrible génocide qui venait de les décimer s’ouvraient, à Moscou même, des foules recueillies les fréquentaient avec assiduité. On aime plaindre cette Communauté martyre, victime expiatoire d’un prétendu péché originel. Puis tout a de nouveau basculé, les anciens démons ressurgirent, l’antisémitisme véhiculé par de nouvelles idéologies, favorisé par le conflit israélo-palestinien, fit basculer notre société dans la terreur et la haine. Le passé vient d’être rejoint dans l’horreur par un présent qui augure mal de l’avenir. Les statistiques du nombre d’actes antisémites sont éloquentes, depuis le pogrom du 7 octobre en Israël, les actes ont été multipliés par 4 dans notre pays. Ces chiffres sont les mêmes dans toute l’Europe et les Juifs sont de plus en plus nombreux à émigrer en Israël où, malgré les terribles dangers quotidiens, ils se sentent mieux protégés que dans leur pays d’origine.

Les récits des pogroms de la fin du 19ème siècle et du début du siècle dernier, n’ont rien à envier à celui perpétrer en Israël par une foule assoiffée de sang, dirigée par les terroristes du Hamas. Les cibles sont toujours les mêmes, les réactions de la communauté internationale aussi. Cela commence par une réaction d’horreur devant les crimes commis, mais 48 heures plus tard on demande aux survivants de se conduire avec modération, malgré la barbarie et la sauvagerie du massacre. On attend des Juifs, ce que l’on ne demande à personne, une réaction proportionnée; proportionnée à quoi, à l’assassinat des bébés, au viols de jeunes filles et des femmes, à l’éviscération des femmes enceintes? Réfléchissez au crime et vous comprendrez la riposte, les Juifs sont las de devoir expliquer chaque jour, leur droit d’exister. Mes propos vous paraissent peut-être en inéquation avec la réalité, détrompez vous, les Juifs français, 79 ans après Auschwitz sont à nouveau dans le désarroi. Je vous demande d’être attentifs à ce mal être qui conduit notre société à la chute vers le néant. Chute qui s’accompagne le plus souvent par la négation, voire l’effacement de l’être juif, suivit immanquablement par la négation de notre propre nation au profit de théories mondialistes.

La France, Pays des droits de l’Homme, Pays de l’abbé Grégoire et de Condorcet, Pays des 4150 Justes devant les Nations devrait s’élever face aux discours négationnistes ou pour le moins révisionnistes tenus dans certains médias ou même au sein de notre Assemblée Nationale. Elle aurait du protester lorsque le Tribunal international de justice poursuit Israël pour génocide, c’est une honte pour la justice. On ne peut accepter une telle inversion des valeurs. Plus de 240 otages enlevés, en opposition totale aux lois de la guerre, un massacre de 1300 personnes, des attentats meurtriers perpétrés chaque jour, ne sont pas ,aux yeux de cette justice partiale, des motifs suffisants, pour rejeter de telles accusations. Non, pour plaire à une partie de l’opinion mondiale, il faut mettre sur les Juifs le sceau de l’infamie en les taxant de génocidaires, c’est l’aboutissement du Wokisme, effacer la Shoah. Regardez autour de vous, les Universités américaines sont les foyers de cette nouvelle doxa: les Juifs sont des Assassins, les terroristes des résistants et des héros. Certains d’entre eux sont invités d’honneur dans les instances internationales où ils viennent instiller la haine de façon pernicieuse.

J’ai peur, Mesdames et Messieurs, j’ai peur pour l’avenir de nos enfants et de nos petits enfants, j’ai peur pour vos enfants et vos petits enfants. Pour juguler cette peur, l’Amicale d’Auschwitz –Birkenau, perpétue inlassablement son travail de mémoire, nos grands témoins ont disparus, Benjamin Orenstein il y a deux ans, Claude Bloch, il y a quelques jours, sans eux, il nous faudra rétablir la vérité de l’Histoire. J’accompagnais, il y a deux mois, plus d’une centaine de jeunes collégiens à Auschwitz et à Birkenau, leurs réactions me donne de l’espoir, leurs lettres émouvantes reçues après ce voyage me réconcilient un peu avec l’Humanité. Tout n’est pas perdu, la vision d’une éclaircie, comme les premiers rayons du soleil pointant à l’horizon d’une mer déchaînée, permet de comprendre que la seule solution pour faire prendre conscience du danger de la barbarie, c’est de montrer à notre jeunesse les preuves tangibles qu’elle a laissé sur le sol polonais. L’Amicale d’Auschwitz –Birkenau de la région Auvergne Rhône Alpes maintiendra ce cap qui est sa raison d’être. Autre espoir que je viens confirmer aujourd’hui, le projet et la réalisation du monument à la Shoah, voulu par notre Amicale il y a plus de 17 ans, défendu bec et ongles par Benjamin Orenstein, repris avec passion par le Procureur Général

Viout, que je remercie une fois encore chaleureusement, vient enfin d’être validé. Je souhaite qu’il puisse être inauguré, l’an prochain à la même époque, afin que la cérémonie des 80 ans de la libération des camps d’Auschwitz et de Haute Silésie devienne le symbole de notre volonté de ne jamais oublier. Pour que vive la République et que vive la France