Discours de Monsieur Benjamin ORENSTEIN

lors de la commémoration des camps d’Auschwitz-Birkenau et de Haute Silésie le 27 janvier 2013.

 

Comme chaque dernier dimanche de Janvier, nous sommes réunis en ce haut lieu de la Résistance lyonnaise pour commémorer avec éclat le 68ème  anniversaire de la libération des camps d’Auschwitz et de Haute Silésie.

68 ans ont passés, et chaque jour de ma longue existence je me pose la question, comment puis-je encore être un homme debout après Auschwitz ?

Comment puis-je encore vivre, penser, aimer, après ce que j’ai vu là- bas ?

Comment puis-je encore inlassablement raviver le souvenir de ceux qui ont laissé leur vie dans ces usines de la mort ?

Peut-être apporterai- je un semblant de réponse en vous rappelant ces quelques mots qu’écrivait Imre Kertesz, Prix Nobel 2002, Juif hongrois, qui fut comme moi, déporté à Auschwitz.

«  Dans l’Holocauste, j’ai découvert la condition humaine, le terminus d’une grande aventure où les Européens sont arrivés au bout de deux mille ans de culture et de morale. A présent il faut réfléchir au moyen d’aller plus loin »

Mais comment aller plus loin ? Cette interrogation m’a hanté jusqu’au procès Barbie ;

Je ne pouvais rester sans voix, amnésique sur mon histoire, faisant suite à la grande amnésie des Nations.

Car, vous le savez sûrement dès 1942, les gouvernements alliés possédaient toutes les informations sur les persécutions et l’assassinat des Juifs.

La question du non bombardement des camps par les Alliés reste toujours posée.

Nul ne peut dire aujourd’hui combien de malheureux auraient été sauvés, mais cette action aurait permis à des milliers d’entre eux de ne pas être acheminés vers le lieu de leur martyre.

Mais les Alliés ne voulaient pas sacrifier du matériel de guerre pour sauver des Juifs qui, disaient-ils, ne seront sauvés que par la chute d’Hitler.

Nous avons payé un lourd tribut à cette façon de lire l’Histoire, Histoire qui jamais ne sera pour nous synonyme de passé.

L’histoire de notre souffrance est toujours notre présent, c’est la seule raison qui me fait, encore aujourd’hui, me dresser devant vous en accusateur indigné.

Parodiant Zola, je pourrai faire une liste interminable de « j’accuse ».

–          J’accuse les Alliés d’avoir sciemment ignoré le massacre des Juifs, Roosevelt craignant que l’on puisse lui reprocher de mener une guerre pour les Juifs.

–          J’accuse les Polonais d’avoir sciemment oublié, pendant des décennies que la majorité des victimes polonaises étaient juives.

–          J’accuse les Ukrainiens d’avoir volontairement fermé les yeux sur les massacres perpétrés pendant la «  Shoah par balles » et d’avoir, encore ces jours derniers, une telle aversion contre les Juifs, qu’ils viennent d’élire « Homme de l’année » le chef du parti antisémite Svoboda.

–          Et plus près de nous, j’accuse les Autorités de notre pays de glisser rapidement sur des faits qui relèvent de l’antisémitisme mais que l’on qualifie pudiquement d’incivilités.

–          Comment qualifier le fait qu’une enseignante du Sud de la France se fasse insulter sur ses origines et sur laquelle on jette une bouteille d’acide ? incivilité ?

–          Comment qualifier les actes isolés violents en milieu scolaire souvent inspirés par la tuerie de Toulouse ? incivilité ?

Sur les huit premiers mois de l’année 2012, plus de 400 plaintes ont été déposées dans les Commissariats ou les Gendarmeries.

Que deviennent ces plaintes ? Avec moi, vous qui m’écoutez ce matin interrogez-vous, interrogez vos Politiques.

La phrase que j’exècre « plus jamais ça », toujours prononcée et toujours démentie par les faits, restera- t-elle longtemps le leitmotiv de ceux qui laissent faire?

L’Etat ne doit pas se complaire de propos compassionnels, il faut que dans tous les cas les coupables soient punis.

Lorsqu’il y a 68 ans, mes camarades et moi retrouvâmes la liberté, aucun d’entre nous voyant le Régime nazi mordant la poussière, ne pouvait imaginer qu’un jour des propos comme les miens seraient à nouveau d’actualité.

Nous étions des cadavres ambulants et pourtant nous étions gonflés d’espoir, les survivants sont aujourd’hui dans un tout autre ordre d’esprit ; ils ont peur …

Ils ont peur de ce renouveau d’un nouvel antisémitisme violent qui n’est pas porté par la vieille droite mais plutôt par la frange bien pensante d’une gauche extrême qui mélange les genres.

Ce n’est certainement pas politiquement correct d’avoir de tels propos, mais mon passé et mon parcours me permettent de les tenir.

Moi aussi, Chers amis, j’ai peur, lorsqu’on a connu, comme moi, les prémices de la solution finale, on peut trouver beaucoup de similitudes dans certains discours.

Je ne voudrai pas jouer les Cassandre, mais Hitler lui-même, devant un auditoire tout à sa dévotion disait le 8 novembre 1942 «  on s’est toujours moqué de mes prophéties, de tous ceux qui riaient alors, beaucoup ne rient plus. Et ceux qui rient encore cesseront peut-être de le faire d’ici peu »

Transposez cela, à notre époque, dans la bouche de certains dirigeants siégeant à l’O.N.U, et vous verrez qu’il n’est plus le temps d’en rire.

Mais cette peur qui souvent m’étreint, je veux la transformer en mise en garde pour les jeunes générations

Avec l’Amicale d’Auschwitz du Département du Rhône que j’ai l’honneur de présider, avec le Conseil général, avec le Mémorial de la Shoah, j’accompagne chaque année des centaines d’étudiants, de lycéens et de collégiens dans cette clairière parsemée des cendres de millions de Juifs, qu’est Birkenau.

Je reçois des dizaines de lettres émouvantes de beaucoup de ces jeunes participants à ces voyages dans ma mémoire, et dans ce ciel obscurci par de noirs nuages, elles sont comme de fugaces clartés qui me permettent de trouver en moi le courage de continuer mon combat contre l’oubli.

Merci pour votre attention.

Extrait du Discours de M. Jean-Louis TOURAINE
Premier Adjoint au Maire de Lyon

Dimanche 27 janvier 2013

Comme chaque année nous célébrons avec émotion et recueillement l’anniversaire de la libération des Camps d’Auschwitz-Birkenau et de Haute Silésie.

Nous le faisons aussi avec le sens de la responsabilité qui est la nôtre : transmettre le message de la vigilance permanente contre l’inhumanité, contre la cruauté envers les humains, contre le révisionnisme et la falsification de l’histoire.

L’an dernier, j’ai rappelé ici même les conditions dans lesquelles Hitler et le parti nazi avaient pris le pouvoir. J’ai évoqué ensuite les camps d’extermination et leur libération par l’armée rouge confrontée alors à des visions d’horreur difficilement descriptibles.

Je voudrais cette année apporter le témoignage d’une déportée Madame Charlotte DELBO, Secrétaire de Louis JOUVET, résistante comme son mari, Georges DUDACH lequel a été fusillé au Mont Valérien le 23 mai 1942. Charlotte DELBO est déportée le 24 janvier 1943. Elle connaît comme Benjamin ORENSTEIN, l’horreur du camp d’Auschwitz-Birkenau puis est envoyée au