Commémoration de la rafle de la rue Ste-Catherine dimanche 13 février

Discours de Nathalie Perrin-Gilbert Maire du 1er arrondissement

– Monsieur Jean-François Carenco, Préfet de la Région Rhône-Alpes, Préfet du Rhône,
– Monsieur Gérard Collomb, Sénateur – Maire de Lyon,
– Monsieur Robert Badinter, ancien Garde des Sceaux, Sénateur des Hauts de Seine,
– Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
– Mesdames et Messieurs les Elu-e-s de la Région, du Département, de la Ville, du 1er  arrondissement,
– Madame Evelyne Haguenauer, Adjointe au Maire de Lyon, déléguée à la Mémoire et aux Anciens Combattants,
– Monsieur Serge Klarsfeld, Président de l’association des Fils et Filles des Déportés Juifs de France, et Madame Beate Klarsfeld, son épouse,
-Monsieur Marcel Amsallem, président du CRIF Rhône-Alpes,
– Mesdames, Messieurs les présidents et Représentants des associations amicales d’Anciens Combattants, Résistants, Déportés et Victimes de guerre, – Monsieur le Grand Rabbin Richard Wertenschlag
– Mesdames et Messieurs,- Chers amis, chers enfants, Je souhaite remercier chacun  d’entre vous d’être là ce matin pour commémorer un événement qui fait partie de l’histoire sombre de notre pays, mais aussi de notre ville et de notre arrondissement ; vous remercier d’être là pour honorer la mémoire de celles et ceux qui ont été piégés et pris, au numéro 12 de la rue Sainte Catherine, le 9 février 1943.

Cet immeuble du 12 rue Sainte Catherine abritait les locaux du comité lyonnais de l’Union Générale des Israélites de France, l’UGIF créé en 1941 par le gouvernement de Vichy et qui rassemblait les activités de plusieurs associations d’aide aux réfugiés. Le 9 février 1943 donc, ces locaux furent investis sur ordre de Klaus Barbie. Dès lors, toutes les femmes et tous les hommes qui, montant ces escaliers imaginaient trouver là aide, réconfort et soutien, se sont retrouvés face à face avec la Gestapo. Quatre-vingt-six personnes furent victimes de ce piège, de cette rafle ; quatre-vingts furent déportées, trois seulement ont survécu. Oui, c’est ici, au coeur de nos villes européennes et dans l’indifférence, qu’a commencé pour elles le voyage infernal jusqu’aux quais de la gare d’Auschwitz-Birkenau.

Je souhaite aujourd’hui saluer tout particulièrement les enfants et petitsenfants, les frères et soeurs, les familles ici présentes de ces victimes. Chères familles, je souhaite vous dire que depuis plusieurs années maintenant, nous nous retrouvons ici un dimanche du mois de février, pour égrener le nom de celles et ceux dont la vie s’est arrêtée là, frêles silhouettes et figures blêmes de notre mémoire collective : Isidore, Gisèle, Salomon, Anna, Joseph, …

Il est important de dire que si nous pouvons aujourd’hui retracer précisément cette tragédie et dévoiler une plaque apposée par la Ville de Lyon de la liste de ces personnes raflées ce 9 février 1943, c’est grâce au patient et minutieux travail d’historiens comme Serge et Beate Klarsfeld, dont les recherches acharnées ont permis de faire émerger la vérité crue et indiscutable des crimes commis. Ces recherches inlassables ont redonné aux hommes, aux femmes, aux vieillards, aux enfants, dont l’existence avait été niée, un nom, une identité, un visage. Et nous savons tous l’importance de ce travail quand les fossoyeurs de l’histoire, ajoutant à l’indicible du crime l’insulte du mensonge, se parent parfois des vertus scientifiques pour répandre les paroles délétères du négationnisme.

Il est important pour moi de dire également aujourd’hui que si l’horreur du régime nazi a été permise c’est par une rencontre entre une idéologie millénaire et les multiples petites lâchetés de l’antisémitisme ordinaire ; c’est aussi par une rencontre entre des théories délirantes et les dérives nationalistes d’un Etat européen ; c’est aussi avec l’aide de l’Etat français et sa bureaucratie.

La chaîne de la bureaucratie… Là où il n’y a pas de responsable, là où chacun et chacune n’est qu’un rouage d’une machine qui le dépasse, là où certains vont déployer du zèle, là, ce qui était impensable hier peut devenir banal, les hommes ordinaires peuvent se muer en bourreaux et les bourreaux en monstres… Je veux dire aussi qu’il n’est rien de plus facile, mais également de plus dangereux pour nos démocraties, que de garder la conscience tranquille en conférant à la pire des inhumanités les traits de la normalité, et en se cachant
derrière le paravent de la légalité. La plus sournoise traduction de l’horreur nazie était bien cette légalité dans laquelle elle se drapait Pour conclure, je souhaite m’adresser aux élèves de la classe de CM2 de l’école Meissonier, du 1er arrondissement, qui sont là ce matin
avec nous, et qui ont travaillé avec leur enseignant, M. Jean-Luc Martinez, sur la seconde guerre mondiale, l’occupation et la Shoah.

Vous avez 10 ans, et vous avez étudié cette année l’histoire du génocide juif ; vous savez ce qui s’est passé dans cet immeuble il y a bientôt 70 ans. Vous savez que dans notre ville, des hommes, des femmes, des enfants, ont été assassinés par les nazis, avec la complicité de l’Etat français, simplement parce qu’ils étaient nés juifs.

Ne l’oubliez pas. N’oubliez pas non plus qu’il y eut d’autres hommes et d’autres femmes qui refusèrent de collaborer avec cette barbarie.

Des hommes et des femmes, des Résistants, choisirent la légitimité de leurs valeurs, de leur combat plutôt que la légalité vichyste ; ils choisirent de cacher des personnes en danger, de les mettre à l’abri, de sauver des vies, de se battre pour la liberté.

On a toujours le choix de ne pas obéir en son âme et conscience, on a toujours le choix de dire « non » alors que la folie semble tout emporter sur son passage.

Et si vous, vous constatez qu’on se moque de quelqu’un, qu’on le désigne et qu’on le met à part, qu’on en fait un bouc émissaire parce qu’il a une autre couleur de peau, une autre langue, une autre histoire, une autre manière de vivre, une autre religion, faîtes vous entendre ; dîtes fort, dîtes à chaque fois que vous n’êtes pas d’accord, que c’est injuste et  que c’est dangereux.

Apprenez à exercer votre regard pour voir par delà les différences combien cet « autre » vous ressemble.

Apprenez aussi à vous respecter vousmêmes, et à respecter cet « autre » pour pouvoir l’accueillir dans ses différences, pour pouvoir lui faire toute la place qui lui revient parmi vous.
Ce sera votre manière quotidienne de commémorer la rafle de la rue Sainte Catherine et ses innocents sacrifiés. Votre mémoire est essentielle car il n’y a de mémoire que vivante et active. Cette mémoire-là est le meilleur rempart contre les pièges du fanatisme qui, malgré les leçons du passé, ne désarment pas.
Merci,