Henry BULAWKO présida à Paris l’Amicale des Déportés d’Auschwitz et des Camps de Haute Silésie, survivant de la Shoah il est mort le 27 novembre dernier.

C’est de manière totalement fortuite que je fis la connais sance d’Henri Bulawko.

Dans les années 70, rentrant de Paris par le train, ce n’était pas le T G V à l’époque, on avait le temps de lier une conversation avec ses compagnons de voyage…
Henri Bulawko était en face de moi, il lisait une revue dont je ne pouvais voir que les gros titres; c’était du yiddish. Immédiatement je ressentis un besoin irrésistible de m’adresser à ce voisin « Vous parlez Yiddish ? » lui demandais-je dans ma langue maternelle.
Certainement me répondit-il d’une voix claire avec ce sens de l’humour que je découvris plus tard chez lui, sinon pourquoi lirais-je cette revue? Cette entrée en matière fut le début d’un long dialogue sur nos passés respectifs, sur la Lituanie de ses parents, sur la
vie concentrationnaire. Comme moi il avait séjourné à Auschwitz-Birkenau et il me parla de l’Amicale des Déportés
qu’il avait créée à son retour des camps.

Il me parla de la Résistance dont il avait été Membre et il me parla surtout du travail de mémoire que tout juif se devait d’effectuer.
A cette époque, étant en pleine activité professionnelle, je ne songeais pas encore à militer. J’étais encore dans la période, avant le procès Barbie, où je voulais oublier à tout prix. Malgré tout, cette conversation me troubla plus que je ne veux l’admettre.

Quelques années plus tard, devenu à mon tour militant du souvenir de nos soeurs et frères assassinés, j’eus l’occasion de retrouver Henri Bulawko, il était Président de l’Amicale d’Auschwitz au plan national et je siégeais au nom de l’Amicale du Rhône, au Conseil d’Administration, à Paris.

Je me souviens de discussions animées, où Henri insistait sur le sort des anciens Déportés, qui de victimes ne devaient pas devenir bourreaux, mais témoins acharnés pour lutter contre ces fléaux qui montaient dans notre Société, le révisionnisme et le négationnisme.
Il côtoya les plus Grands à qui il fit partager son idéal de justice, il était fier d’avoir été écouté par le Président Chirac quant à la responsabilité de l’Etat français dans la déportation des Juifs de France.

J’eus la chance de le rencontrer une dernière fois, quelques mois avant sa mort.

Gérard Huber, désirant écrire un livre sur la Grande Dame que fut Mala, nous avait conviés, Henri et moi, pour que nous parlions d’elle. Il avait conservé toute sa vivacité d’esprit et cet humour qui le rendait si sympathique.

Et si je suis aujourd’hui le Président de l’Amicale des Déportés d’Auschwitz Birkenau du Département du Rhône, c’est certainement en souvenir de cette première conversation, que j’eus il y longtemps dans un train me ramenant à Lyon.

Benjamin ORENSTEIN