Synagogue de Camaguay à 500km de la Havane construire en 19523 par les juifs de Turquie et aujourd'hui, maison privée

Synagogue de Camaguay à 500km de la Havane construire en 1923 par les juifs de Turquie et aujourd’hui, maison privée

Fidel Castro, le dictateur cubain, vient de quitter la scène, il s’est éteint de sa belle mort le 25 novembre 2016. Sa vie, son parcours révolutionnaire, le joug qu’il a fait subir à son peuple, ne laissaient pas présager une mort aussi naturelle. Mais l’Histoire nous réserve bien des paradoxes et des surprises.

Peu de choses étaient connues sur l’existence d’une Communauté juive à Cuba et à l’occasion du coup de projecteur sur cette grande île des Caraïbes, j’ai voulu en savoir plus. Le premier Juif qui posa le pied sur cette île des Antilles que les autochtones appelaient déjà Cuba, fut Luis de Torrés, le 12 octobre 1492. Ce Luis de Torrés était l’interprète personnel de Christophe Colomb, il fut très impressionné par la beauté des paysages, la douceur du climat et la luxuriance de la végétation. Nouveau converti, il vit la possibilité d’en faire un asile pour les Juifs chassés d’Espagne par les Rois catholiques. Christophe Colomb s’empressa de changer le nom indigène de l’île en Juana, en l’honneur du Prince Don Juan. A la mort de celui-ci, l’île prend le nom de Ferdinanda par décret du Roi Ferdinand d’Aragon, mais chacun conserve le nom initial de Cuba. Luis de Torrés sillonna ces nouvelles terres à la recherche d’un Roi afin de lui indiquer que Colomb en prenait possession au nom du Roi d’Espagne. Il n’en trouva pas  mais fut surpris par l’habitude des indigènes de mâcher ou respirer la fumée d’une plante qu’ils cultivaient : le tabac. Il s’empressa d’en prendre des plants et de les ramener à son retour en Espagne. Ses dires impressionnèrent de nombreux marranes qui, par vagues successives, arrivèrent à Cuba pour échapper aux crimes de l’Inquisition. Malheureu­sement, cette institution criminelle débarqua elle aussi à Cuba en 1520 ; on connaît le premier Juif converti qui fut condamné à mort, il s’appelait Gomez de Léon et avait amassé une fortune considérable dans le commerce du tabac et de la Canne à sucre. Des études récentes ont permis de découvrir l’origine juive de nombreux personnages importants de l’époque, le plus intéressant d’entre eux fut sans doute Agostin Morell de Santa Cruz y de Lora. Il était né en 1694 dans l’actuelle République dominicaine, fut nommé évêque de Santa Cruz en Bolivie puis archevêque au Nicaragua. En janvier 1754, Cardinal de la Havane, novateur, il transforma complètement l’économie de l’île grâce aux pouvoirs absolus qu’il détenait. Il mit en place les premiers échanges postaux entre Cuba et le reste du Monde. Ce n’est qu’à sa mort qu’on apprit ses origines par un testament qui fit scandale jusqu’en Espagne. Ses dernières volontés tenaient plus du culte de ses ancêtres que d’une profession de foi catholique. Il fut enterré, comme tous les archevêques dans la Cathédrale. Mystérieusement ses restes disparurent quelques temps après. Pendant cette période, de la moitié du 16ème siècle à la fin du 19éme, les Juifs cubains s’investissaient surtout dans l’agriculture Les Espagnols, malgré l’Inquisition, leur laissaient une certaine liberté de culte. La raison en était purement économique, après avoir épuisé l’île de ses richesses naturelles, il était très intéressant de favoriser une alternance. L’Inquisition était dirigée contre ceux que l’on appelait les «  Conversos » et qui revenaient à la pratique du judaïsme, elle fut très active jusqu’à la fin du 18e siècle. L’occupation espagnole n’était plus supportée, en 1868 débuta une guerre d’indépendance, nombreux furent les Juifs qui s’illustrèrent dans ce combat, le plus fameux d’entre eux, Carlos Rollof, occupe encore aujourd’hui une place de premier plan dans l’histoire cubaine. Des Juifs de New-York ou de Floride s’enrôlèrent pour aider les forces cubaines à se libérer des Espagnols, certains d’entre eux s’installèrent par la suite dans la nouvelle république. En 1904 débuta une nouvelle vague d’immigration, elle était composée de sépharades de Turquie, de Syrie et d’autres pays d’Asie mineure. L’influence sépharade devint prépondérante. On peut dater de 1921 la troisième vague d’immigration, elle venait d’Europe. C’était, pour la plupart, des « refusés » des Services américains de l’immigration qui espéraient pouvoir tenter à nouveau leur chance aux Etats-Unis après un court séjour      cubain. Beaucoup restèrent sur place. La montée du nazisme en Europe poussa les Juifs allemands, qui le pouvaient, à s’enfuir, certains choisirent Cuba comme destination. Jusqu’en 1939 quelques 5000 Personnes arrivèrent à La Havane, seules 400 s’installèrent de façon permanente, les autres furent accepter en Amérique. Au début de l’année 1939, le Gouvernement cubain décida de stopper cette immigration, un dernier bateau, le « St Louis » avec 937 passagers Juifs d’Europe, fut refoulé, il repartit vers son point de départ, lorsqu’il passa au large de la Floride il lança un message de détresse au Président Roosevelt qui n’y répondit pas. Les Organisations juives américaines firent des démarches d’urgence pour faire accepter les passagers par différents pays d’Europe, 288 furent accueillis en Grande Bretagne, 181 au Pays Bas, 214 en Belgique et 224 en France. Seuls ceux hébergés en Angleterre furent sauvés en totalité, pour les autres, ils subirent le sort de leurs coreligionnaires dans les Pays où ils avaient trouvé refuge. Beaucoup furent exterminés dans les camps d’extermination nazis. En 1943, il y avait 14000 Juifs à Cuba, c’était, pour la plupart, des agriculteurs (tabac, canne à sucre), des petits boutiquiers ou des ouvriers du bâtiment. Le travail était rare et leur situation précaire. Malgré cela une vie culturelle et religieuse perdurait, quelques 36 journaux y étaient édités, beaucoup n’eurent qu’une durée éphémère, seul le journal en yiddish « Havaner Lebn » paru plus de 30 ans, jusqu’en 1960. La révolution de 1959 apporta de grands changements dans la vie des Cubains en général et des Juifs en particulier. Il faut remarquer que, contrairement à ce qui se passait dans de nombreux pays, les Juifs n’eurent jamais à souffrir de l’antisémitisme. Ils subirent les mêmes contraintes que leurs compatriotes. Beaucoup s’enfuirent vers les Etats-Unis et la Communauté devint vite une coquille vide. On peut estimer à 94% le pourcentage des Juifs qui quittèrent Cuba suite aux restrictions religieuses imposées par Castro. En revanche, quelques uns appuyèrent le nouveau régime et le Gouvernement de Castro en comptait 3 parmi ses membres, le plus connu d’entre eux, Ricardo Wolf, d’origine allemande, fidèle de Castro, fut nommé Ambas­sadeur en Israël jusqu’à la rupture des relations diplomatiques, en 1973. Durant toute sa dictature les positions de Castro  furent ouvertement anti israélienne avec des soutiens appuyés à la cause palestinienne. Dans le même temps il accorda souvent sa protection à la petite Communauté qui ne comptait plus que 1400 membres à la chute de Batista. Il avait l’art de souffler alternativement le chaud et le froid. Anti Israélien, comme je le disais plus haut, Castro décréta un deuil national de 3 jours à la mort du Président d’Israël Ben Zvi, en 1959.Ce qui lui valu une remarque cinglante de Ben Bella, alors Premier Ministre d’Algérie «  quiconque a une telle attitude vis-à-vis d’un Israélien, n’a plus le droit de fouler une terre arabe ». Castro annula purement et simplement les voyages officiels prévus en Algérie. Cuba fut l’un des deux  Pays affidés à l’Union soviétique qui refusèrent de rompre les relations diplomatiques avec Israël, après la Guerre des 6 jours, mais qui les rompit sans raisons en 1973. Après son coup d’état, Castro n’eut de cesse d’interdire toute entreprise privée, quelqu’en soit la taille, la seule exception avait été faite pour une boucherie cachère de la Havane. Son frère Raul suit apparemment la même voie, en 2009, il fit arrêter Alan Gross, un membre d’une association humanitaire américaine, sous le prétexte d’avoir favoriser aux Juifs cubains, un accès Internet, sans l’accord du Gouvernement. Il ne fut libéré qu’en 2014 suite à un échange contre 2 espions cubains détenus aux USA. En Décembre 2010, Raul Castro assista à une cérémonie dans la synagogue de La Havane, à cette occasion il fit un discours remarqué sur l’histoire « héroïque » (ce furent ses termes) du peuple juif, son intervention fut retransmise en direct par la télévision cubaine. C’est un nouveau climat qui s’instaure entre les Dirigeants cubains et la minorité juive, climat renforcé depuis le voyage historique du Président Obama. On sent comme une dynamique nouvelle qui se fait jour, des Juifs américains d’origine cubaine viennent passer les fêtes à La Havane et les deux synagogues ne désemplissent pas. Le Président de la Communauté est très confiant sur son devenir. Nous en acceptons l’augure. Jean-Claude Nerson