J’ai effectué un séjour à BERLIN du 5 au 13 Septembre 2012.

J’avais connu cette ville, il y a exactement  40 ans, lors de mon service militaire en  ALLEMAGNE.

J’ai souhaité y revenir, afin d’approfondir ma réflexion sur la période 1933-1945. Dans ce BERLIN, cité jadis promise aux destinées les plus hautes et qui n’était en 1945, qu’un gigantesque amas de pierres, il y a quelque chose de vertigineux à considérer cette descente aux enfers.

Beaucoup de lieux visités (musée juif, mémorial de l’holocauste, topographie de la terreur, maison de la conférence de WANNSEE, camp de concentration de SACHSENHAUSEN à  ORANIENBURG, mémorial de la résistance allemande, mémorial de PLOTZENSEE, stade olympique  où eurent lieu les jeux olympiques de 1936, qui servirent de vitrine au régime nazi, mémoriaux soviétiques…).

Au cours d’un cheminement, dans ce BERLIN  contemporain, qui fut naguère la capitale du 3e Reich et le centre décisionnaire du régime nazi, on ne peut occulter le fait qu’en ces lieux la folie des hommes, fut portée à son paroxysme. C’est  ici, que furent élaborés, à partir de 1933, les plans, directives et instructions, qui aboutirent à faire durant la seconde guerre mondiale,  50  millions de victimes, dont  6  millions de juifs.

Bien qu’il soit impossible d’établir une hiérarchie, trois lieux emblématiques, m’ont particulièrement interpellé, par leur dimension symbolique.

LE  REICHSTAG : Lors de la visite du Reichstag, j’ai découvert fortuitement une plaque apposée sur la base d’une des colonnes de l’entrée principale du bâtiment.   

Sur cette plaque, inaugurée en 2001, un texte en langue allemande a attiré mon attention. Il y est fait référence à l’imposante dédicace  –  DEM  DEUTSCHEN  VOLKE  –  qui se trouve au fronton ouest de l’édifice. Ce typographique conçu par l’architecte allemand  Peter  BEHRENS, comporte 17 lettres en bronze.

Traduit en français, le texte de cette plaque est le suivant : « les lettres de l’inscription – AU PEUPLE ALLEMAND –  ont été fabriquées et posées fin 1916 par la Fonderie de Bronze Berlinoise Albert et Siegfried  LOEVY  (1856-1925, 1859-1936). Parce qu’ils étaient juifs, leurs familles furent victimes du nazisme. Elles furent persécutées, spoliées et assassinées à PLOTZENSEE, THERENSIENSTADT et AUSCHWITZ ».

Je tiens à préciser que l’aryanisation de la Fonderie de Bronze Berlinoise LOEVY, a eu lieu en 1939.

A l’intérieur de la coupole du Reichstag,  une exposition de photos d’archives  retrace l’histoire du bâtiment et  j’ai  là encore découvert un cliché daté de décembre 1916 où l’on voit des ouvriers de la Fonderie LOEVY juchés sur des échafaudages  en train de fixer les immenses lettres de cette inscription.

Le  30 Janvier 1933, HITLER était nommé Chancelier du Reich et le soir même, les nazis défilaient triomphalement sous la  Porte de Brandebourg…

En 1945, moins de trente ans après le travail effectué au Reichstag en 1916, par la Fonderie LOEVY,  6 millions de juifs BEBELPLATZ (ancienne place de l’opéra) :  Le 10 Mai 1933, moins de quatre mois après la nomination de HITLER au poste de Chancelier,  le parti nazi  organise sur cette place berlinoise, un immense bûcher de livres où brûlent  20 000 ouvrages d’écrivains juifs, marxistes  ou  pacifistes. Près de  70 000 personnes participent à cet autodafé.  Vers minuit,  parait le ministre de la propagande GOEBBELS, qui prononce un discours sur l’émergence d’un monde nouveau…

De la pile de livres, il ne reste qu’un tas de cendres…  Cet autodafé se termine avec l’exécution chorale du  Horst  Wessel  Lied, l’hymne officiel  nazi…

Désormais,  sur cette place, un  panneau  transparent  serti  dans le sol,  permet d’apercevoir des rayonnages  vides,  symbole d’une bibliothèque  sans livres…

Une plaque porte une citation prophétique de  Heinrich  HEINE  « Ceux qui brûlent des livres finissent tôt ou tard par brûler des hommes ».  Heinrich HEINE avait écrit cela en 1820…

Cet autodafé de BERLIN ainsi que tout ceux qui eurent lieu en 1933 dans de nombreuses villes allemandes,  était le prélude à des actes beaucoup plus abominables encore…

MAISON  DE  LA  CONFERENCE  DE  WANNSEE : WANNSEE est une petite bourgade huppée,  située au sud-ouest de BERLIN,  au bord du lac éponyme. Dans une villa,  petit palais néobaroque,  lové dans un cadre paisible, s’est tenu le 20 Janvier 1942 une conférence réunissant  quinze hauts responsables de la SS , de la police, du parti nazi, de plusieurs ministères et organismes chargés de l’administration des territoires occupés en Europe de l’Est.

Ces personnages appartenaient à l’élite de l’ALLEMAGNE  nazie. Ce sont pour la plupart d’entre eux, des hommes très instruits (huit sont titulaires d’un doctorat) et pourtant, ils sont ici pour accomplir l’irréparable, l’impardonnable. Cette réunion ne faisait qu’entériner une décision prise au plus haut niveau, mais ce jour là, il s’agissait de décider des modalités et de la répartition  des compétences, en vue de la déportation vers l’Est de tous les juifs d’Europe. L’objectif étant la  « solution finale du problème juif »,  c’est-à-dire,  l’assassinat programmé de  11  millions de personnes, avant la fin de la guerre.

Depuis 1992, la maison abrite un musée mémorial et un centre pédagogique. Le but principal de ce lieu de mémoire est de diffuser des informations sur l’idéologie et  la politique à la fois antisémites  et  racistes  des nazis avant et après 1933, ainsi que sur les modalités pratiques du génocide pendant la guerre. Une exposition retrace l’histoire de l’Holocauste  avec des documents et des photographies sur les ghettos et les camps de concentration et d’extermination.

Une intense émotion est palpable chez tous les visiteurs, lorsqu’on se trouve dans l’ancienne salle à manger,  là où se tint la conférence. En cette matinée du  20 Janvier 1942,  les participants réunis autour de HEYDRICH et EICHMANN ont discuté pendant environ une heure et demie du sort de millions de personnes dont le seul  tort à leurs yeux, étaient d’être nés  juifs. Dans le courrier d’invitation à la conférence, adressé par HEYDRICH  aux participants, il était mentionné que la réunion serait suivie par un petit  déjeuner…

Que sont devenus les quinze participants à cette conférence ?

Sept sont morts en étant libres, bien que certains d’entre eux aient connus  auparavant des péripéties judiciaires ; deux se sont suicidés en février et mai 1945 ; un est mort sous les bombardements de BERLIN en février 1945 ; un a disparu en mai 1945 ; un est mort dans un attentat en 1942 (HEYDRICH) et trois ont été condamnés à mort et exécutés (dont EICHMANN).

Bien que les crimes contre l’humanité commis par les nazis soient imprescriptibles,  il ne faut pas  prôner la culpabilité collective pour l’ALLEMAGNE   à travers les générations. La responsabilité, la culpabilité, sont toujours personnelles.

Autant que j’ai pu le voir lors de ce voyage à BERLIN, les allemands rencontrés sur les sites mémoriaux  font face à leur passé. Dans chaque lieu de mémoire,  à WANNSEE, à SACHSENHAUSEN ou encore au musée de la Résistance Allemande,  j’ai croisé des groupes de militaires de la Bundeswehr en uniforme et beaucoup de jeunes  scolaires encadrés par leurs enseignants. J’ai pu constater combien ils étaient émus devant l’ampleur du désastre et la monstruosité des crimes dont leurs ascendants avaient été les acteurs ou les témoins…

Partout,  que ce soit à AUSCHWITZ-BIRKENAU, ou en l’occurrence à BERLIN, ne jamais oublier ce qui s’est passé durant cette période tragique de l’histoire de l’humanité est une exigence morale qui s’impose à tous.              ALAIN  PONCET