Entre émotion et recueillement, ce vendredi 3 Juillet 2015

Copie de DSC_0579Nous étions nombreux à nous presser sous les lambris du Grand Salon de l’Hôtel de Ville de Lyon, conscients d’assister à un moment d’exception et de profonde sincérité autour de la personne de Benjamin ORESNTEIN, « petit Juif Polonais » ainsi qu’il aime à se qualifier et si cher au cœur de ses amis, qui était, ce jour là, élevé au grade de Chevalier de la Légion d’Honneur pour son combat contre l’oubli, contre l’antisémitisme, pour son travail de Mémoire auprès des jeunes générations ; ce « jeune homme pas comme les autres qui sera honoré ce soir par la République » ainsi que le présentera son parrain en avant propos.
Le moment des discours venu, ce fut dans un silence attentif et dans une communion d’esprit absolue que le public écoutait, subjugué par l’évocation de la vie du récipiendaire. Monsieur Gérard COLLOMB, Sénateur Maire de Lyon rappelant les funestes évènements des derniers mois, incitait chacun à aller à Auschwitz « pour prendre la mesure de ce qui, pour l’humanité, a marqué un avant et un après ». Evoquant fermement le combat de notre infatigable rescapé il concluait ainsi : « Vous incarnez la France que nous aimons : celle qui porte haut les valeurs de liberté, d’égalité, de fraternité, celle qui promeut la démocratie, le respect de l’autre et défend notre idéal humaniste. Le grand dramaturge allemand Bertold Brecht que le régime nazi avait déchu de sa nationalité avait écrit ceci « celui qui se bat peut perdre, mais celui qui ne se bat pas a déjà perdu » avant de remercier Benjamin pour son courage, la force de ses engagements, et de laisser la parole à Marcel DREYFUSS – Président du Consistoire de Lyon.
En vous élevant au grade de Chevalier dans l’ordre de la Légion d’Honneur, la République honore la vie…. et de décrire à son tour le parcours de l’enfant Juif à l’homme d’aujourd’hui insistant sur la voix ; « celle du militant, de l’homme engagé qui chaque dernier dimanche de janvier bouscule le Veilleur de Pierre de la place Bellecour à Lyon pour crier à Lyon et au monde que vous êtes bien là » ; reconnaissant quelques instants plus tard que ; « ces plaidoyers se transforment parfois, et toujours avec justesse, en réquisitoire de l’homme qui ne céde jamais, devant personne ». Puis plus loin « cette parole qui ne se tait pas, qui met des mots sur les silences et qui ajoute des silences aux mots inutiles ». Concluant avec une amitié respectueuse et tendre « Vous êtes notre cher Benjamin, un magnifique exemple pour nous tous ».
Paul et Louis, les petits enfants de Benjamin sont alors tellement fiers de venir sur l’estrade et de présenter au Parrain choisi par le Président de l’Amicale des Déportés de Lyon, le coussin sur lequel est déposée la décoration de leur grand père ! Séquence forte d’émotion partagée.
Sous des tonnerres d’applaudissements chaleureux libérant la tension et les larmes, Benjamin remerciera avec ses mots à lui ; sa gorge encore nouée d’émoi accentuera encore l’accent dont il ne s’est jamais départi et qui reste l’un de ses charmes.
Après avoir remercié chaleureusement les Personnalités « artisans de sa nomination » et rappelé les engagements de son parrain – Président du Consistoire de Lyon – il lui dira combien « il est fier et honoré d’être décoré par ses soins ». Lui l’enfant d’ANOPOL rendra hommage aux siens « Maman, Papa, Haïm, Jacob-Meyer, Léon mes frères, Hinda ma sœur, j’espère que vous me voyez de là où vous êtes et toi Mireille, ma chère épouse, toi qui sans rien de ce qui m’arrive n’aurait pu arriver, je te sens présente à mes côtés » et nous tous de ressentir également comme un léger souffle bienveillant.
Benjamin rappellera son douloureux parcours, son cheminement personnel, son engagement, … sa « chance ». Il associera l’équipe de l’Amicale, impliquée dans le travail de Mémoire, à sa distinction ainsi que l’ami fidèle Jean Claude Nerson grâce auquel « ces mots pour sépulture » ont été écrits.
Il évoquera les voyages en Pologne qu’il s’impose depuis tant d’années ; son espoir de les voir perdurer « car rien de remplace la venue sur le terrain pour se rendre compte de l’ampleur du crime » espérant très fort que les « témoins des témoins » sauront se souvenir de leur mission et transmettre la voix des suppliciés.
Enfin il demandera tendrement à ses enfants, Linda et Norbert, à ses petits enfants Alexandre, Paul et Louis de « porter haut l’étendard de cette famille ».
Une cérémonie simplement bouleversante et d’une dignité exemplaire dont, à l’image des 150 invités, je garderai, comme un cadeau, le souvenir au fond de mon coeur.
Simone CIZAIN