Ben Laden vient d’être découvert il y a quelques mois, tranquillement installé dans une maison bourgeoise du Pakistan.
Chacun le croyait caché dans une grotte inaccessible des montagnes d’Afghanistan au milieu de Talibans lourdement armés. C’est en faisant des recherches sur ces guerriers d’un autre âge, farouches sanguinaires et encore mystérieux, que je trouvai une photo qui m’intrigua, elle datait du début du siècle dernier et représentait trois guerriers qui semblaient être des Talibans, mais la légende précisait : » Juifs des Montagnes »
Je me mis donc à la recherche de ces juifs des montagnes dont je n’avais jamais entendu parler. La piste aboutit au Daghestan, cette province russe, aux confins de la Turquie (Daghestan vient du turc et signifie « le pays des montagnes »)
Les Juifs y vivaient en petits groupes qualifiés de tribus depuis plusieurs siècles, la légende précisant qu’ils étaient des membres d’une tribu perdue d’Israël. Le recensement de 1897 indiquait une population de 12000 juifs soit 1,85% de la population totale de cette Province. Ces Juifs avaient tout à fait l’apparence physique de leurs voisins dans cet environnement sauvage, la seule différence avec leurs compatriotes musulmans ou chrétiens était la langue. Ils employaient un idiome appelé « tat », mélange de perse et d’hébreu.
Comme leurs voisins, ils sont puissamment armés et dorment tout habillés, toujours sur le qui-vive.
Ils sont pour la plupart agriculteurs mais ne possèdent pas les terres qui appartiennent aux musulmans à qui ils versent un pourcentage sur leurs récoltes qui consistent principalement en tabac ou en riz.
Ces gens sont ignorants de tout, leurs rabbins eux-mêmes sont analphabètes, bien que connaissant l’hébreu pour l’exercice de la pratique religieuse. Ils sont très pauvres et leurs ressources ne leur permettent même pas de faire donner un semblant d’instruction à leurs enfants.
Souvent en proie aux attaques des musulmans qui détruisent et pillent leurs maisons, ils sont contraints à l’isolement dans les zones montagneuses les plus inaccessibles.
Une migration vers la côte s’opère à partir du début du 20ème siècle, s’associant avec des Arméniens ils deviennent viticulteurs et produisent des vins de qualité qui sont très prisés pour les cérémonies religieuses chrétiennes. Parallèlement, ils se spécialisent dans le tannage et revendent les peaux dans les grandes foires de la région.
La Révolution russe les contraint à intégrer les fermes collectives, ce qui leur fait perdre petit à petit leurs coutumes ancestrales. Jusqu’à la Révolution, la scolarisation ne touchait que quelques garçons des familles les plus aisées, mais avec la soviétisation le russe devint la langue obligatoire et garçons et filles se retrouvèrent sur les bancs de l’école. D’autres Juifs des Montagnes s’étaient installés en Azerbaïdjan, la synagogue de Bakou illustre encore aujourd’hui cette présence millénaire.
Entre 8000 et 25000 juifs vivent dans ce pays, chiffre très approximatif car de nombreux juifs azéris ont émigré en Israël ou aux Etats-Unis mais conservent la double nationalité. Au milieu du 18ème siècle, Hussein, Khan de Guba établit une ville « Yevraiskaya Sloboda » (la ville des Juifs) pour permettre à ces populations de vivre en paix au milieu de ses belliqueux voisins.
Son fils décréta que toute attaque contre cette ville serait lourdement punie.
En l’honneur de l’Armée rouge, la ville fut appelée « Krasnaya Sloboda » ( la ville rouge)
Aujourd’hui cette ville est presque uniquement habitée par des Juifs (entre 2 et 5000) , ils envoient leurs enfants étudier à Moscou où beaucoup deviennent de puissants hommes d’affaires. Ils reviennent dans leur ville et s’y font construire de somptueuses demeures.
L’antisémitisme est combattu par un Comité gouvernemental qui œuvre pour préserver une atmosphère de tolérance religieuse. Le fondamentalisme islamique dont les racines se trouvent au Daghestan, est sévèrement réprimé.
Au grand dam des Iraniens, les Azéris ont des relations privilégiées avec Israël qui a ouvert une Ambassade à Bakou.
Au temps de l’Empire soviétique des Juifs azéris représentaient leur République au Soviet Suprême. Aujourd’hui des liens très forts unissent les descendants des Juifs des Montagnes et leurs coreligionnaires et, pour un Gouvernement accusé d’intolérance, il est remarquable de voir la liberté accordée aux Juifs d’inviter les dignitaires israéliens dans la superbe ville qu’est devenue Krasnaya Sloboda.
Pour la réalisation de cet article, je dois beaucoup à Sarah Marcus, journaliste indépendante basée en Géorgie et écrivant pour des journaux américains tels que
Le New York Times, le Washington Post ou le Daily Telegraph.
Qu’elle en soit ici remerciée.
Jean-Claude Nerson